Fiche pratique
Le bailleur (propriétaire) qui refuse le renouvellement du contrat de bail commercial à l’échéance (c'est-à-dire après un délai de 9 ans) doit en principe verser une compensation financière au locataire. Cette somme d'argent est appelée indemnité d'éviction. Dans certains cas, le bailleur est dispensé du versement de cette indemnité.
Comment le bailleur peut-il refuser le renouvellement du bail commercial ?
Lorsque le bailleur ne souhaite pas renouveler le bail commercial, il doit envoyer un congé à son locataire par acte de commissaire de justice (ancien acte d'huissier de justice) au plus tard 6 mois avant l'expiration du bail.
Il doit proposer le versement d'une indemnité d'éviction. Il s'agit d'une compensation financière versée par le bailleur à son locataire qui doit quitter les lieux. Elle est évaluée en fonction du dommage subi. Elle doit couvrir l'intégralité du préjudice causé au locataire par le non-renouvellement du bail.
Le bailleur n'a pas l'obligation de motiver les raisons de son refus de renouvellement à partir du moment où il propose une compensation financière.
Pour en savoir plus sur l'indemnité d'éviction, vous pouvez consulter la fiche dédiée.
Si le bailleur ne notifie pas à son locataire sa volonté de mettre fin au bail, il prend le risque que celui-ci se poursuive au-delà du terme fixé dans le contrat. En effet, en l'absence d'intervention du bailleur et du locataire, le bail se prolonge (on parle de tacite prolongation).
Une fois qu'il a reçu le congé, le locataire a alors 3 options :
1er cas : Accepter l'indemnité d'éviction proposée
Le locataire est d'accord avec le montant proposé de l'indemnité.
Il peut alors :
soit quitter les lieux à la fin du bail. Il faudra alors réaliser un état des lieux de sortie et remettre officiellement les clefs au bailleur.
soit rester dans les lieux jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction. Lorsque le locataire continue d'occuper les locaux à l'expiration du bail en attendant le paiment de l'indemnité d'éviction, il doit verser une indemnité d'occupation (qui remplace le loyer) au bailleur.
2e cas : Négocier à l'amiable le montant de l'indemnité d'éviction
Lorsque le locataire considère que le montant de l'indemnité d'éviction proposé par le bailleur est trop faible, il a la possibilité d'engager une négociation avec le bailleur.
3e cas : Saisir le tribunal
En cas de désaccord, le locataire peut saisir le tribunal pour que le juge fixe le montant de l'indemnité d'éviction. Il a un délai de 2 ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné.
C'est en principe le tribunal judiciaire qui est compétent pour statuer.
Attention
Lorsque le locataire ou le bailleur est en procédure collective, c'est le tribunal des activités économiques (TAE) qui est compétent dans les ressorts des 12 villes suivantes : Avignon, Auxerre, Le Havre, Le Mans, Limoges, Lyon, Marseille, Nancy, Nanterre, Paris, Saint-Brieuc et Versailles.
En savoir plus sur le tribunal des activités économiques (TAE)
À titre d'expérimentation depuis le 1er janvier 2025 jusqu'au 31 décembre 2028, les tribunaux de commerce de 12 villes sont remplacés par des tribunaux des activités économiques (TAE).
Les tribunaux des villes suivantes sont concernés : Avignon, Auxerre, Le Havre, Le Mans, Limoges, Lyon, Marseille, Nancy, Nanterre, Paris, Saint-Brieuc et Versailles.
Ces TAE ont des compétences plus larges que les tribunaux de commerce puisqu'ils traitent des affaires suivantes :
Litiges sur les baux commerciaux à l’occasion d'une procédure collective. Il faut un lien suffisant entre la procédure collective et le bail : par exemple, litige concernant la résiliation du bail pour défaut de paiement du loyer ou le montant de l'indemnité d'éviction.
Procédures amiables (c'est-à-dire le mandat ad hoc, la procédure de conciliation) des associations, des agriculteurs, des sociétés civiles et des sociétés libérales
Procédures collectives des associations, des agriculteurs, des sociétés civiles et des sociétés libérales
Le ministère de la Justice met à disposition un simulateur pour connaître le tribunal compétent :
Depuis le 1er janvier 2025, des tribunaux des activités économiques (TAE) ont été mis en place dans certains territoires pour le traitement des procédures amiables ou des procédures collectives quelle que soit l'activité exercée.
Ce simulateur permet de connaître le tribunal compétent.
Qu'est-ce que le droit de reprise du bailleur ?
Le bailleur a la possibilité de reprendre le local commercial dans certains cas. Il peut alors refuser le renouvellement du bail commercial en adressant un congé à son locataire. Dans certains cas, il n'a pas d'indemnité d'éviction à verser.
Cas de reprise du local par le bailleur
Reprise pour démolir un immeuble insalubre ou vétuste
Le bailleur refuse le renouvellement du bail commercial sans payer d'indemnité d'éviction dans les 2 situations suivantes :
L'immeuble doit être totalement ou partiellement démoli car il est en état d'insalubrité. Un arrêté de traitement de l'insalubrité doit être délivré par le préfet.
L'immeuble ne peut plus être occupé sans danger en raison de son état. Le caractère dangereux est prouvé par un rapport d'expertise ou un arrêté de mise en sécurité du maire ou du préfet de police pour Paris.
Si le bailleur reconstruit un nouvel immeuble comprenant des locaux commerciaux, le locataire a un droit de priorité pour louer ces locaux. Pour cela, le locataire doit prévenir le propriétaire, par acte de commissaire de justice ou par lettre recommandée avec AR, de son intention de bénéficier de cette priorité lorsqu'il quitte le local ou au plus tard dans les 3 mois qui suivent son départ. Il doit également informer le bailleur de son nouveau domicile.
Reprise pour construire ou reconstruire avec offre d'un local en remplacement
Lorsque le bailleur refuse le renouvellement du bail pour construire ou reconstruire l'immeuble existant, il doit en principe payer une indemnité d'éviction.
Si le bailleur offre au locataire un local de remplacement au locataire correspondant à ses besoins et possibilités, il n'a pas d'indemnité d'éviction à verser. Le local de remplacement doit être situé à un emplacement équivalent (par exemple, un local situé à proximité immédiate de l'actuel magasin dans la même galerie marchande).
Le bailleur doit cependant payer une indemnité peu élevée (appelée indemnité restreinte) en compensation de la privation temporaire du fonds et des frais de déménagement et de réinstallation.
Reprise pour habiter le local d'habitation accessoire au local commercial
Lorsque le bailleur souhaite reprendre le local d'habitation accessoire au local commercial loué, il peut le faire uniquement sur la partie concernant les locaux d’habitation. Dans ce cas, il n'a pas à verser d'indemnité d'éviction au locataire qui conserve la partie commerciale du local.
Le bailleur (commerçant, artisan ou professionnel libéral) peut utiliser le droit de reprise s'il est propriétaire du local depuis 6 ans au moins à la date du congé.
Une société ne dispose pas du droit de reprise du local au profit de ses dirigeants, de leur famille ou d'un de ses salariés.
Le bailleur peut reprendre le local d'habitation accessoire au local commercial si les 2 conditions suivantes sont réunies :
Il doit habiter lui-même le local d'habitation ou le faire occuper par un membre de sa famille (son conjoint, ses ascendants ou descendants ou ceux de son conjoint).
Le bénéficiaire de la reprise ne doit pas disposer d'une habitation correspondant à ses besoins normaux (par exemple, local froid et humide)
Le bénéficiaire de la reprise doit occuper personnellement les lieux dans un délai de 6 mois à compter du départ du locataire et pendant une durée minimum de 6 ans. Si ce n'est pas le cas, le locataire évincé peut demander le versement d'une indemnité d'éviction.
Le droit de reprise du local d'habitation est possible à condition de pouvoir remplir les 2 conditions suivantes :
Le local d'habitation doit pouvoir être séparé du local commercial
La privation du local d'habitation ne doit pas apporter de trouble grave à l'exploitation du locataire : la reprise d'une pièce de 13m2 située au deuxième étage de l'immeuble n'affecte pas la marche d'une boulangerie-pâtisserie. En effet, les locataires continuent à disposer du rez-de-chaussée et, au premier étage, d'une unité d'habitation de cinq pièces principales.
Toutefois, la reprise des locaux d'habitation est impossible dans les cas suivants :
Les locaux sont affectés à usage d'hôtel, d'enseignement, à usage hospitalier ou de location en meublé.
La reprise du local d'habitation empêche l'exploitation du fonds de commerce par le locataire.
Les locaux commerciaux et d'habitation forment un tout indivisible. En d'autres termes, la séparation des deux catégories de locaux est impossible.
La reprise d'un logement situé en étage au-dessus de la boulangerie et qui dispose d'un accès indépendant est possible car elle n'empêche pas l'exploitation du commerce.
Congé pour reprise du local
Le bailleur qui souhaite reprendre le local (pour démolir un immeuble insalubre ou vétuste, pour reconstruire ou pour habiter le local) doit délivrer un congé par acte de commissaire de justice (anciennement acte d'huissier de justice).
Ce congé doit être adressé au plus tard 6 mois avant l'expiration du bail.
Il doit indiquer au locataire la possibilité de contester le refus du renouvellement du bail dans un délai de 2 ans devant le tribunal judiciaire.
Pour quels motifs le bailleur peut-il refuser le renouvellement sans verser une indemnité d'éviction ?
Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans verser d'indemnité d'éviction en cas de motifs graves et légitimes reprochés au locataire. Le bailleur adresse alors un congé au locataire. Ce congé est parfois précédé d'une mise en demeure.
Notion de motifs graves et légitimes à l'encontre du locataire
Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans avoir à verser une indemnité d'éviction au locataire lorsqu'il peut justifier de motifs graves et légitimes.
Il s'agit par exemple des situations suivantes :
Retard ou non-paiement du loyer et des charges par le locataire
Inexécution des conditions du bail commercial : par exemple, dissimulation d’une sous-location, changement de destination des locaux sans l'autorisation du bailleur, dégradations sur les parties communes, emploi dans les lieux loués de salariés étrangers non déclarés, etc.
Attitude violente du locataire à l'égard du bailleur, des injures ou des propos diffamatoires
Cessation sans raison de l'exploitation du fonds par le locataire.
Congé pour motifs graves et légitimes
Le congé pour motif grave et légitime adressé par le bailleur est dans la plupart des cas précédé d' une mise en demeure .
Cette mise en demeure est nécessaire dans les cas suivants :
Inexécution d’une obligation du bail par le locataire : défaut de paiement du loyer et des charges, retard dans les paiements du loyer, non-respect des obligations du bail
Cessation sans raison sérieuse et légitime de l'exploitation du fonds de commerce : le locataire a une obligation d'exploitation effective du fonds de commerce qui correspond à une exploitation commerciale réelle, régulière et conforme aux clauses du bail.
Attention
Le bailleur n'a pas besoin d'adresser de mise en demeure lorsqu'il ne peut pas faire cesser ou faire réparer le manquement du locataire. C'est notamment le cas dans les situations suivantes :
Le locataire a abandonné définitivement l'exploitation du fonds de commerce avant l'expiration du bail ou n'a jamais exploité dans les lieux loués.
Le locataire a exercé des violences envers le bailleur ou un membre de sa famille, ou l'a injurié.
La mise en demeure est adressée par acte de commissaire de justice (anciennement acte d'huissier de justice).
Elle doit comporter la mention figurant à l'alinéa 1 du I de l'article L. 145-17 du code de commerce :
« Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d'aucune indemnité : 1° S'il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du locataire sortant. Toutefois, s'il s'agit soit de l'inexécution d'une obligation, soit de la cessation sans raison sérieuse et légitime de l'exploitation du fonds, compte tenu des dispositions de l'article L. 145-8, l'infraction commise par le preneur ne peut être invoquée que si elle s'est poursuivie ou renouvelée plus d'un mois après mise en demeure du bailleur d'avoir à la faire cesser. »
Le locataire a ensuite un délai d'1 mois à compter de la mise en demeure pour mettre fin ou réparer son manquement. S'il n'exécute pas la demande, le bailleur peut alors lui adresser un congé sans avoir à lui payer une indemnité d'éviction.
Ce congé doit être adressé au plus tard 6 mois avant l'expiration du bail par acte de commissaire de justice (anciennement acte d'huissier de justice). Ce congé doit indiquer :
Motif grave et légitime reproché avec précision de ce motif
Information de la possibilité de contester le refus du renouvellement du bail dans un délai de 2 ans devant le tribunal judiciaire.
En l'absence de mise en demeure, le congé du bailleur reste valable mais il devra verser une indemnité d'éviction.
À quel moment le locataire doit-il quitter le local commercial ?
Le locataire a droit de rester dans les lieux tant qu'il est en attente du paiement de l'indemnité d'éviction par le bailleur. On parle de « droit au maintien dans les lieux ».
Pendant cette période, le bailleur doit continuer à assurer une jouissance paisible au locataire. Il doit notamment exécuter ses obligations d'entretien et de réparation prévues dans le contrat de bail, même s'il s'agit de grosses réparations.
De son côté, le locataire doit continuer à respecter les conditions du contrat de bail expiré. Ainsi, le locataire doit continuer à être immatriculé au RCS et au RNE. Cependant, il n'est pas obligé de payer un loyer mais il devient débiteur d'une indemnité d'occupation.
À partir du versement de l'indemnité d'éviction, le locataire a 3 mois pour libérer le local.
Le bailleur peut-il changer d'avis après un refus de renouvellement (« droit de repentir ») ?
Le bailleur a la possibilité de revenir sur sa décision de refus de renouvellement et ainsi d'accepter de renouveler le bail : on parle de droit de repentir.
En pratique, le bailleur se rétracte lorsqu'il estime que l'indemnité d’éviction fixée par le juge est trop élevée. Ainsi, en se rétractant, il n'aura pas à verser cette indemnité au locataire.
Le bailleur a un délai de 15 jours à compter de la décision fixant le montant de l'indemnité d'éviction pour exercer son droit de repentir.
Pour que la rétractation soit possible, les conditions suivantes doivent être réunies :
Le locataire est encore dans les lieux : s'il est parti sans renoncer à son droit à indemnité, le bailleur ne peut plus revenir sur son refus de renouvellement.
Le locataire n'a pas déjà loué ou acheté un autre immeuble pour se réinstaller
En pratique, le bailleur indique à son locataire sa décision d'utiliser le droit de repentir par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par acte de commissaire de justice.
Le bail est alors renouvelé à partir de la date de la notification de l'acceptation du bail au locataire. Le bailleur n'aura plus la possibilité de changer une nouvelle fois d'avis.
Les frais de procédure, les frais d’expertise et éventuellement les frais d’avocat du locataire sont à la charge du bailleur qui exerce le droit de repentir.
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